Agra, Vallée du Gange
Distance parcourue depuis le départ : 9389 km
Ou est Michel ? : Par ici.
Aucune rencontre n’arrive par hasard, est le titre d’un
livre de Kay Pollack, que j’ai eu sur mon chevet pendant quelque temps. Et si
c’était vrai ?
Après avoir quitté Jaipur, le train entre maintenant en gare
d’Agra, ville du Taj Mahal, sans aucun doute le plus beau monument indien.
C’est donc très touristique et comme de bien entendu à la sortie de la gare,
quelques dizaines de conducteur de tuktuk attendent les touristes pour les
conduire dans des hôtels avec qui ils sont en combine et qui leur reverseront
une commission.
Je suis en compagnie de Dara, équipière de voyage pour ce
bout de route. En « routard » nous avons l’habitude de gérer ces
situations. A peine dehors, un homme âgé, s’approche de nous. Trop vieux pour
être un chauffeur de tuktuk, plutôt un taxi me dis-je. Il a les yeux rieurs, est
souriant, jovial, le visage est rond, chauve et une jolie moustache poivre et
sel barre son visage. Il porte une paire de lunette à monture épaisse. Nous
nous accordons sur le prix de la course et comme il est d’accord pour nous
emmener à l’hôtel que nous avions sélectionné dans le guide du routard, nous
montons dans son tuktuk.
Il fait beau, la circulation est fluide. Nous roulons depuis
quelques centaines de mètres seulement. Je me sens bien, heureux de vivre.
Notre chauffeur Ameen, roule tout doucement, tranquillement, on dirait qu’il
prend plaisir lui aussi à nous transporter. Bref, c’est harmonieux. Je me
tourne alors vers Dara et je lui dis : « Je ne sais pas
pourquoi, mais je pense que ce gars-là, n’est pas sur notre route par hasard.
Je sens qu’on peut lui faire confiance. ».
Pour nous montrer le Taj Mahal, Ameen s’arrête sur le bord
de la route. Nous apercevons le monument au loin. Nous discutons un moment et
Ameen fini par nous lâcher que notre hôtel est beaucoup trop excentré et nous
propose de nous conduire dans une guest house, plus centrale et offrant les
mêmes tarifs et les mêmes prestations que celle que nous avions sélectionnée.
J’en discute avec Dara, et d’un commun accord, nous décidons d’écouter notre
instinct et de lui faire confiance. L’animal est habile... Il nous conduit donc
oh surprise, dans un établissement à deux pas du Taj Mahal qui figure lui aussi
dans le routard et dont il est dit le plus grand bien, ce qui se vérifiera par
la suite.
Au moment de régler Ameen, je lui demande s’il peut nous
organiser les transports et les visites sur deux jours. Il est en effet
préférable, dans une ville aussi touristique de louer les services d’un tuktuk
à la demi-journée ou à la journée. Cela évite entre autre d’être harcelé à
chaque instant. Il me propose un projet qui nous convient. Nous allons donc
passer deux jours ensemble.
Le premier jour le contact s’établit doucement. L’homme
parle peu, mais sourit et rit beaucoup. Il roule à deux à l’heure, prenant son
temps ce qui ici est carrément anachronique. Quelque chose me trouble cependant
mais je ne peux pas dire encore quoi. Chaque fois qu’il me parle, il se
retourne franchement où alors s’arrange pour me regarder dans son rétroviseur.
Le calme de cet homme m’intrique. Dans cette circulation effrénée, il ne se
laisse jamais perturber pas les coups de klaxons. Alors que nous marchons vers
un monument Ameen est un mètre devant moi, je lui pose une question. Il ne
répond pas. Je me porte à sa hauteur et répète ma question. Toujours pas de
réponse.
Je m’aperçois que je ne suis pas dans son champ visuel et
là, ça fait tilt. Ameen est dur d’oreille. Pas sourd, mais simplement dur de la
feuille.
Le second jour, après avoir vu le Taj Mahal au lever du
soleil, nous partons pour « Fathepur Sikri » un site à 40 kilomètre
d’Agra. Ameen nous fournit un taxi et son chauffeur. La visite achevée, alors
que nous marchons sur le trottoir tout bascule. Dara qui marche à ma droite,
pousse un cri et je jette brusquement sur le côté. Dans son mouvement elle me
heurte et me déséquilibre, m’entraînant dans sa chute. Nous tombons. Du coin de
l’œil, j’aperçois un serpent et je comprends immédiatement qu’il est la cause
de ce qui est en train de se passer. A cet endroit-là, le trottoir est haut de
plus de 50 centimètres. Durant la seconde que dure la chute, plein de choses me
traversent l’esprit. Le serpent a-t’ il mordu Dara ? Elle crie.
Peur ? Douleur ? Nous chutons lourdement sur la route. Elle dessous,
moi par-dessus. Les cris redoublent. Tout s’est passé si vite. Non, elle n’a
pas été mordue. Au moment de poser son pied sur la bestiole, elle a juste eu le
réflexe de sauter. Par contre dans la chute, je suis tombé sur son genou. Elle
a très mal et juste sous le genou apparaît déjà un hématome. Un passant
s’arrête, puis deux, puis d’autres. Je m’arrange pour prévenir le taxi qui
vient nous chercher. C’est un peu le « Bronx » autour de nous.
J’entends un passant expliquer aux policiers qui arrivent que nous venons
d’être victime d’une « monkey attack » ! Une attaque de
singe !!! J’interviens pour dire qu’il ne s’agit pas de ça, mais d’un
serpent. Le flic me regarde tout penaud et me dit « ah ok ». Nous
filons en taxi vers Agra. En route on s’arrête acheter de la glace et du
paracétamol. Une heure plus tard nous sommes devant l’hôtel ou nous attend
Ameen prévenu par le taxi. Il décide de nous conduire à l’hôpital public et pas
dans une clinique privée.
Nous arrivons à l’hôpital, les formalités d’accès sont
brèves. On dépose Dara dans une chaise roulante et nous nous rendons aux
urgences. Je reste avec elle, tandis qu’Ameen entre dans un bureau. Cinq minutes
passent quand j’entends des éclats de voix. Je me renseigne. L’hôpital public
ne veut pas nous accepter et souhaite nous diriger vers une clinique privée. Le
ton monte. Ameen est entouré de six personnes. Il parle fort, pointe du doigt.
Je demande des explications. Un interne me répond que le médecin spécialisé en
orthopédie n’est pas là, qu’il est rentré chez lui. Amen soutient que c’est
faux et qu’il est hors de question que nous allions ailleurs. De son point de
vue, ce n’est pas parce que nous sommes des étrangers que nous devons être
dirigés vers une clinique privée ou l’on va nous demander de fortes sommes pour
les soins au prétexte que ce sont les assurances qui vont payer. Pendant que je
discute avec l’interne, Ameen a changé de bureau. Ça hurle de nouveau. Ameen
menace d’appeler la presse si le médecin n’est pas là dans les 20 minutes qui
suivent et miracle, quelques minutes après le médecin fait son entrée. Il
regarde rapidement la jambe et décide qu’il n’y a pas de fracture. Il passe sur
l’hématome une pommade et bande le tout. Je demande à ce qu’une radio soit
effectuée. Il refuse. Ameen prend alors le relais et dit au médecin :
« OK, pas de radio, mais en sortant d’ici on va aller en faire une dans
une clinique et si il y a fracture, j’appelle la presse et je leur fourni la
radio ». A contre cœur le médecin nous dirige vers le service radiologie.
C’est au sous-sol de l’hôpital. Dara est allongée sous
l’appareil à rayon X. Deux assistants la maintiennent en place. Quelques
curieux sont là et regarde à un mètre à peine, on se demande ce qu’ils foutent
là. Il y a en tout huit personnes dans la salle. Le radiologue se dirige vers
sa console. Je comprends immédiatement qu’il ne va faire sortir personne de la
pièce. Je décide de sortir rapidement et en effet, il prend deux clichés. C’est
hallucinant ! Les assistants qui maintiennent les patients doivent prendre
des doses de rayon à longueur de journée ! Puis le radiologue s’éclipse
dans son bureau. Je la joue à l’indienne et rentre derrière lui sans rien
demander et regarde les clichés. C’est net. Il y a bien fracture du
plateau tibial.
Nous remontons voir le médecin. Il nous prend à par Ameen et
moi dans son bureau et demande de but en blanc à Ameen : « pour
quelle ONG travaillez-vous ? ». Dans un éclat de rire celui-ci lui
répond qu’il n’est qu’un simple « tuktuk driver » en qu’il ne
travaille que pour son pays ! L’homme de l’art prescrit alors quelques
cachets contre la douleur et nous demande de revenir le lendemain pour pouvoir
plâtrer la jambe. Sur le chemin du retour nous nous arrêtons dans une pharmacie.
Au moment de payer, alors que je sors un billet de 100 roupies (1,25 €), le
pharmacien m’annonce que je lui dois 10 roupies (12,5 centimes). Ameen part
alors dans un grand éclat de rire. Je me tourne vers lui, il est plié en deux
et pleure de rire il me lance en enlevant ses lunettes pour sécher ses
larmes : « Incrédible India ». C’est le slogan que l’on
voit sur les affiches vantant le tourisme en Inde… Oui, vraiment, incrédible
India !
Rentré à l’hôtel, Dara appelle son assistance. Elle va être
prise en charge et rapatriée. Le médecin français nous demande de surtout
refuser toute opération, d’immobiliser la jambe avec une attelle et se nous
procurer des béquilles. Je demande à Ameen de me conduire dans une boutique ou
je vais pouvoir trouver ça. C’est à l’autre bout de la ville. En effet ici les
commerces sont organisés par quartier. Là, le quartier des tissus, ici celui du
cuir etc…C’est un ami d’Ameen qui va m’y conduire. Nous voilà en route. Il est
19 heures. Il y a beaucoup de circulation et en centre-ville, nous tombons sur
un embouteillage monstrueux. Nous sommes bloqués à un carrefour. Moto, rikshaw,
vélo, auto, charrettes , vaches, chevaux. Il fait nuit. Il fait chaud, je suis en nage. Ça
klaxonne de partout. Tous les véhicules se touchent. Les roues sont imbriqués
les unes dans les autres. Les piétons qui traversent, passent par-dessus les
voitures, enfourchent les motos, traversent les tuktuk, du coin de l’œil j’en aperçois un passer à quatre pattes
sous un cheval attelé et là, je tourne la tête sur ma droite. Un indien est là.
Il me dévisage. Il tient en laisse une chèvre. La biquette, porte un
collier de perle rose fluo ! J’hallucine ! Je rêve ! Me vient
alors à l’esprit la vision d’une scène d’un album d’Astérix. Celle ou un
légionnaire romain s’enfuit en courant du village gaulois en criant :
« ils sont fous ces gaulois ! ». Ce soir, après cette journée,
fatigué, je suis un légionnaire romain perdu dans un village gaulois….
Vingt et une heure. Je suis de retour à l’hôtel et je prends
un verre sur la terrasse avec Ameen qui est venu aux nouvelles. Il m’explique
son point de vue. C’est un homme droit. Intègre. Il n’admet pas pour son pays
des comportements pareils. C’est pour lui une insulte. Il a menacé d’appeler la
presse car il y a quelques années un scandale impliquant des médecins a secoué
la ville. Des restaurateurs indélicats intoxiquaient leurs clients, puis les
dirigeaient vers des cliniques privées ou ils étaient soignés à des prix
exorbitants. Les assurances payaient. Les ambassades étrangères, devant
l’afflux soudain de cas d’intoxications alimentaires ont levé le lièvre. Seul
un médecin a été arrêté. Ameen ne veux plus de ça pour sa ville, pour son pays.
En nous conduisant dans une clinique privée, Ameen me confie qu'il aurait sans doute touché une commission de 1000 roupies. Le praticien en aurait facturé 40 000 à l'assurance....
" but i don't want to do it. I don't want to kill tourism. I prefere working hard to get money.... This is not my way.'....
Que dire de plus.....
En nous conduisant dans une clinique privée, Ameen me confie qu'il aurait sans doute touché une commission de 1000 roupies. Le praticien en aurait facturé 40 000 à l'assurance....
" but i don't want to do it. I don't want to kill tourism. I prefere working hard to get money.... This is not my way.'....
Que dire de plus.....
Merci Michel de prendre le temps de nous faire vivre ton voyage.
RépondreSupprimerTu fais de très belles rencontres et tu les mérite !
Au plaisir de te lire.
Je t'embrasse.
Claude
Merci Claude. Toi, comme pas mal de membres de zebike.org, vous faîtes aussi partit de mes belles rencontres. ;-)
RépondreSupprimerMon cher Michel,
RépondreSupprimerNon seulement tu nous fais partager ton voyage, mais tes textes nous donnent aussi beaucoup d'émotion!
Ton écriture est libre et claire, et nous touche. Il faut continuer et tout garder!!!
A très bientôt, on t'embrasse!
Des émotions ? oui, j'en ai ;-)
RépondreSupprimerHeuuuuu....... je ne suis pas d'accord avec Claude, les belles rencontres, ben pas pour Darra !!!! lol !
RépondreSupprimerEspérons qu'elle n'ait pas de complication et qu’elle puisse revenir finir son périple. Pour ce qui est de ton titre de ce récit, je suis tout à fait d’accord, "les belles rencontres n'arrivent pas par hasard" Il est bien dit que: le mal, attire le mal, le bon attire le bon, donc que tu fasses de belles rencontres me sembles naturel ;-)) vive ton prochain CR ! Bonne route mon pote
Dany 86 !
Merci Dany ;-)
SupprimerLe décalage entre l Inde et ce que beaucoup vivent ici est juste incroyable.
RépondreSupprimerMerci encore pour partager tout ca avec nous.
J espère que cela ne sera pas trop grave pour ta camarade.
Serge/
Pas de nouvelles de ma camarade pour le moment, mais je vous en donnerais dès que j'en aurais ;-)
Supprimermerci michel de nous faire partager ton aventure et rêver à d'autres horizons.je connaissais le coup de la panne mais celui du serpent, alors là...bon je taquine.on pense bien à toi, les palois catherine et patrick
RépondreSupprimerMerci à vous deux ;-)
Supprimerla lecture de tes recits la magie et la beaute des paysages , la rencontre de belles personnes.nous hates le te lire .
Supprimerc est parce que tu es une belle personne que ce voyage est beau bonne route
bisous chantal rt gilles
;-)
SupprimerJe suis certaine que nos rencontres ne doivent rien au hasard, de chacune d'entre elles nous apprenons quelque chose. Ameen est visiblement une belle personne et une belle âme placée sur ton chemin au moment nécessaire. Tu feras d'autres belles rencontres, j'en suis certaine car tu les attires. Bisous.
RépondreSupprimerMerci de tes voeux Gisele
SupprimerExcellent ! J'ai adoré le passage avec la chèvre au collier rose fluo. Si j'en avais le pouvoir j'en ferai un tableau. Bisous. Bonne route
RépondreSupprimerMerci Nathalie, si je recroise la chevre, je fais une photo ;-]
RépondreSupprimerC'est génial a suivre , tu pourrais en faire un livre !
RépondreSupprimerTellement dépaysant... Merci
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